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1 septembre 2010 3 01 /09 /septembre /2010 11:09

 Sur maints sujets, l’irréfragable suffisance gouverne toujours en France et comme à l’accoutumée, bronzage en sus sans doute, du départ américain en Irak en passant par la délégitimation d’israël, les Quick halal, le non débat sur la sécurité jusqu’à la crise économique, sociale, et morale. Même Eric Zemmour, prenant l’exact contre-pied des propos étonnamment optimistes de notre actuel ambassadeur à Bagdad[1], a entamé le couplet de l’échec programmé en Irak (bien que cela ne ressemble cependant pas au Vietnam s’est-il empressé d’ajouter lors de sa chronique sur RTL) passant pour pertes et profits le succès Kurde, l'accalmie shiite, sans parler de l’amorce d’un processus politique qui a mis 35 ans en Corée du Sud pour arriver à un terme non négligeable comme l’a remarqué Noah Feldman dans le Wall Street Journal[2]. Évidemment aucune des parties en présence ne se trouve invitée sur les plateaux alors que la BBC, très critique pourtant, n’a eu de cesse de le faire. Il est regrettable qu’un Alain Duhamel, plus réaliste néanmoins que ses confrères (le pathétique Alain-Gérard Slama par exemple) quant à l’évaluation de tels résultats se trouve cependant obligé d’établir une comparaison entre les milliards américains investis dans la guerre alors qu’ils auraient pu l’être dans ce Loch Ness de l’aide au Tiers-monde ; sauf que cette manne supposée n’a fait qu’entretenir des potentats qui viennent donner des leçons d’éthique en assemblée plénière de l’ONU et dans ses commissions Théodule alors que l’on sait que la liberté économique prédétermine la prospérité, même si elle reste insuffisante comme projet, on le voit en Chine. Mais le centralisme parisianiste ou le machiavélisme du pauvre qui regrettent ce « laïc » qu’était Saddam ne peut évidemment pas comprendre que la pluralité irakienne n’a pas besoin de cet éternel homme à poigne que l’Amérique Latine cherche à dépasser, non sans mal, et que la poignante nostalgie française cherche toujours désespérément y compris et sans doute surtout à gauche désormais.

 

Quant aux Quick Halal, peu de commentateurs font l’effort de remarquer que le halal n’est pas juste une tradition culturelle, et que à la différence des restaurants italiens (argument de Sophie de Menton aux Grandes Gueules de la radio RMC) et du Mc Do chinois (argument de Karim Zéribi aux mêmes GG) le halal (comme le cascher) est un choix religieux qui engage, fait partager et entraîne une certaine vision de l’être qui divise le monde en pur et impur, ce qui n’est pas anodin à terme. De plus, et ce surtout lorsqu'il s'agit d'un resto généraliste comme Quick, souvent unique fast food dans certains endroits, il est regrettable qu’une marque participe à une telle discrimination qui montre du doigt les mangeurs de cochon comme s’ils étaient des parias. Par ailleurs, en régime démocratique on a le droit de critiquer des pratiques de vie qui semblent affaiblir le vivre ensemble lorsque sont y compris stigmatisés ceux qui accepteraient seulement que le voisin puisse manger du porc. Ce qu'évidemment une Sophie de Menton ne peut pas comprendre tant sa conception abstraite de la liberté reste idéaliste, et donc va à l'encontre des réalités politiques qui exigent qu’un vivre ensemble puisse être construit au-delà des factions. Eric Raoult fait en apparence la même erreur en approuvant la décision de Laurent Blanc de ne pas accepter la présence du porc à la cantine des Bleus, sauf que sa décision est bien plus inqualifiable puisqu’il s’agit de l’équipe de toute la France et non pas d’une faction encore une fois.

Le microcosme politico-médiatique français s’effondre, il rapetisse à vue d’œil, sera-t-il encore visible dans deux ans ? il a par exemple disparu dans les domaines économiques  et sociaux lorsqu’il ne fait que bégayer les vieux schémas de relance pour contrer les stop and go des cycles courts et longs et leurs up and down, où l’on jongle ainsi avec la hausse et la baisse des divers taux pour continuer le saupoudrage et le colmatage d’un modèle périmé de production, d’un modèle périmé de formation, d’un modèle périmé de prévention.

L’effondrement des accords de Bretton Woods (1971) et le premier choc pétrolier (1973) n’ont fait qu’accélérer un processus de production arrivé à son terme malgré ses étonnantes subtilités pour reculer la saturation des biens matériels classiques qui ont cependant de l’avenir dans les pays émergents. Or, depuis les années 80, nous avions déjà basculé dans l’économie dite immatérielle ; les errements des circuits financiers n’ont fait que refléter l’immense retard accumulé par les États et les entreprises en matière de régulation et d’offres novatrices. L’économie des réseaux, l’économie de l’imaginaire sont pourtant les deux mamelles du processus de production biomatique, empruntant ce terme à la pensée architecturale contemporaine[3], c’est-à-dire un  processus créateur d’ambiances, de sens clivés, dont les religions les traditions culturelles et les idéologies ont toujours été les prototypes naturels qui aujourd’hui tentent on le voit bien de préserver leur monopole, mais pour combien de temps ? La télévision, sa couleur, aujourd’hui le fait qu’elle soit en 3 D, tout souligne en si peu de temps le basculement du réel dans les alcôves qui oscillent entre ceux de la termitière et de la ruche. E leur sein se concocte, à partir d’un monde pourtant encore bien réel, des fictions réalités fractionnées pour le meilleur comme pour le pire : le voyeurisme de la TV réalité, la lapidation d’une femme, la tuerie et le viol d’une victime séquestrée à cet effet basculent certes en spectacle, mais n’ajoute rien à l’incendie de Rome par Néron sinon en l’amplifiant. Les jeunes générations le sentent bien lorsqu’elles s’amusent à transformer le réel en fiction, ce qui le désincarne, en filmant leurs profs et leurs frasques pas toujours subtiles sur fond de jeux vidéo ; ils réitèrent, plus tôt et plus profondément, la façon dont les générations qui les précédaient avaient déjà basculé dans l'imaginaire et l’histoire passée mais cette fois solidifiées par l’image et le sens ; ce qui incite parfois à vouloir reconstituer l’histoire passée, non seulement les dinosaures, mais aussi les épreuves anciennes, comme si à l’effondrement actuel de l’être ensemble (qui avait cependant créé aussi des hécatombes et parfois seulement pour l’amour d'un homme envoûté par une vision supposée parfaite) se substituait un désir de faire partie du monde en le déraillant coûte que coûte.  Il faudrait sans doute lire ainsi les diverses velléités à vouloir non seulement réécrire mais vivre l’Histoire, exiger que la France rembourse Haïti, l’Algérie, mais refuser que les Arabes acceptent d’avoir perdu leur colonie de Palestine. Cette tentative de transformer l’Histoire en matériel de survie existentielle peut se voir de façon éclatante dans les diverses tentatives de transformer le peuple palestinien en juifs des camps nazis via divers films et documentaires ; la bombe iranienne en voie d’être lancée ne ferait alors au fond que parachever leur mise à mort sacrificielle, tout en stipulant et ce serait le clou que c’est en réalité Israël qui, par son existence à rebours de l’Histoire, l’aurait lancé, comble du paradoxe, via le bras iranien supposé salvateur.

 

Face à de telles dérives multiformes on voit bien que la classe politico-médiatique actuelle est incapable d’en penser la complexité sinon dans des simplismes confondants. Forgée dans les jupes des Trente Glorieuses de la production classique, elle est peu à même de comprendre l’économie nouvelle dont précisément les difficultés du vivre ensemble dans les quartiers découlent principalement car lorsque certains n’ont comme référence que les clips de Miami vice il va de soi que l’apprentissage du réel dans l’école de grand papa ait du plomb dans l’aile ; le fait d’en appeler à une rééducation dans des camps militaires comme le propose courageusement Ségolène Royal ne serait qu’un pis aller si n’est pas pensé en profondeur le dispositif d’ensemble de cette économie biomatique qui étend de plus en plus sa Toile. La force politique capable d’y arriver n’est pas encore née, me semble-t-il (mais elle s’esquisse…).

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